Le défilé de Pierre-Châtel a toujours été un lieu de passage d’eau. Le premier pont dont la réalité est attestée est celui que fit construire, un peu en amont de Saint-Blaise, Amédée III en 1137, et qui aurait été détruit par les glaces en 1226 ou 1227 selon d’anciens auteurs.
On a trace de dons pour les ponts de Pierre-Châtel en 1264 et 1268, puis en 1294 et 1299. Ces ponts, en bois, duraient peu et on ne peut dire combien furent édifiés au même endroit.
C’est sans doute pourquoi, au milieu du XIVe siècle, Amédée VI décide la construction d’un pont en pierre, pour lequel il fit des dons importants. En 1360, maître Bernard de Belley était recteur de l’œuvre du pont de Pierre-Châtel.
Selon Lucien Lagier-Bruno, qui a observé très sérieusement ce qui reste des anciens ponts du défilé, ce pont de pierre n’aurait jamais été achevé. Nous verrons plus loin ce qui en reste.
Il est vraisemblable qu’après cet échec on se résigna pour longtemps au passage en bac, dont la famille Duport assura continûment le service et perçut le péage jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Dès 1383, le compte du châtelain de Pierre-Châtel fait état d’une recette de 25 florins d’or payés par Jean Duport pour le pontenage du port.
En 1837, on lança un pont suspendu à l’emplacement des anciens ouvrages en bois. Il s’agissait, cette fois d’un pont international entre France et États sardes, construit par une entreprise privée qui avait acheté au général de Cordon de La Balme, dernier concessionnaire du bac, les droits d’exploitation et perçut désormais les péages jusqu’en 1860.
À l’époque de sa construction, la concession d’un péage à l’adjudicataire des travaux était pratique quasi-générale.
Ce pont fut démonté en 1913, après construction quelques mètres en amont, d’un ouvrage en béton armé. Ce troisième pont, dont on voit encore la culée en pierre de taille sur la rive gauche, avait une arche unique de 95 mètres.
Il fut détruit par l’armée française en 1940, à l’arrivée des troupes allemandes, qui n’en furent que fort peu retardées. Ç’avait été l’un des premiers et des plus beaux ponts en béton armé construits en France. On raconte qu’il fallut le passage au pas cadencé d’une compagnie du 133e R.I. pour le faire vibrer lors des essais. On peut encore voir à Saint-Blaise, à demi ensablées dans la berge, les trois barges qui servirent à la construction de ce pont.
L’actuel pont de La Balme est ouvert à la circulation depuis mai 1946. Le percement de deux tunnels sous Pierre-Châtel a permis de l’établir quelque 500 mètres en amont des précédents, à un emplacement plus conforme aux nécessités de la circulation moderne. Cette position nouvelle a eu pour effet de rompre le dernier lien qui unissait encore les communes-sœurs de La Balme et Virignin.
Du pont actuel on peut voir, à quelques mètres en amont sur la rive droite, les assises d’une culée parfois attribuée à un légendaire Pont de Viterbius. C’est ce que Lucien Lagier-Bruno a considéré non sans vraisemblance comme l’amorce d’un ouvrage projeté par les comtes de Savoie et resté inachevé. On aurait donc de bonnes raisons de parler là de Pont du Comte Vert.