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Impressions de voyage

Bulletin municipal de janvier 1999
20 octobre 2017, par Raymond Vanbrugghe

Le 13 mars 1582, un ambassadeur des États d’Artois, se rendant en Espagne, franchissait le Rhône sous Pierre-Châtel. Comme l’aurait fait un bon guide touristique, un membre de l’ambassade, qui tenait un journal du voyage, a mentionné les trois curiosités qui ont retenu son attention : sur la rive droite du Rhône la Chartreuse et le Petit Fort, château estrangement basty et creusé entre les rochers, et quasi vis-à-vis sur l’autre rive, une porte qui ferme entièrement le chemin (Le bas fort, aujourd’hui détruit mais dont on connaît assez précisément l’emplacement).

Le défilé de Pierre Châtel d’après la mappe de 1762
On distingue clairement en rive droite du Rhône sous la Chartreuse le Petit Fort et, face à lui en rive gauche, le Bas Fort et sa casemate.

La petite troupe se composait de huit cavaliers ; elle mit du 1er au 13 mars pour relier Mons (Hainaut belge) à Chambéry. L’ambassadeur était un religieux de haut rang : abbé de la prestigieuse abbaye de Saint-Vaast d’Arras ; l’auteur du récit était un moine de la même abbaye. Cela ne l’a pas dissuadé de mêler à son récit quelques observations d’ordre gastronomique. Ainsi à Orgelet (Jura), la petite troupe apprécia le présent de quelques cannes (bouteilles) de vin d’Arbois et plus tard, chaque fois que le vin ne sera pas à leur goût, ils diront : ce n’est pas le vin du curé.

À Chambéry, comme ils pressaient l’hôtesse de leur servir leur déjeuner, elle leur dit bravement : par ma foy, Messieurs, le desjeuner sera tost prest, car on donne en ces quartiers que peu de pain et des noysilles à déjeusner, et s’il vous plaist aultre chose, il vous sera compté pour un disner. De quoy s’étant mis à rire, ils aymèrent mieux qu’il fut compté pour un disner que manger le pain sec et les noysilles, l’un chargeant l’estomach, en sorte qu’il ne peut bien respirer, l’autre causant la courte alleine, tous deux grands inconvénients pour ceux qui courrent la poste.

Le 14, arrêt à Saint-Jean-de-Maurienne où l’hostellerie n’étoit pas mal accommodée, sinon que le vin se ressentoit de l’aspreté de Savoie.

Passé le Col du Cenis, on leur offre pour tout poisson ou fruit de caresme (on est en carême) des oeufs et des caracolles ou limaces (des escargots), mal à propos pour ceux qui faisaient cas de conscience de manger des oeufs (en carême) et avaient en dégoustement les caracolles, ne pouvant imaginer comment elles se peuvent assez purifier de leur ordure et viscosité estant cuites en l’escaille.

L’Espagne aussi leur réservera des surprises : "les hostesses de divers endroicts d’Espagne ne pensent pas qu’il soit mahonneste de tenir les lits couverts de longtemps et d’accomoder divers passagers de mêmes draps, sans seulement les plonger dans l’eau... D’austres couvrent leurs blanches nappes d’une (nappe) souillée, craindant qu’il n’advienne à quelque maladvisé d’y espandre quelque chose, ce qu’adevant il n’échappera pas facilement sans avoir les gros mots de la dame. "

Ce mauvais point donné à certaines hostesses d’Espagne laisse entendre qu’ailleurs on n’avait, sur le sujet, rien trouvé à redire, ce qui est tout à l’honneur des hôtesses des Pays-Bas, de Bourgogne, de Bugey, de Savoie et d’Italie, tous pays traversés par l’ambassade.


Article mis à jour le 3 novembre 2017