Le site de Madeleine et Pascal
École des Chefs d’Atelier à Saint-Claude

Voyage au pays des pipes

Le Téméraire, n° 21, 1er août 1942
1er octobre 2019, par Madeleine, Pascal

Ce texte est le compte-rendu d’une session de formation de plusieurs jours à laquelle l’auteur, devenu chef d’atelier, participe en juillet 1942.

À part l’existence de visites officielles, l’article ne renseigne pas vraiment sur le contenu de cette formation mais il livre de pittoresques détails sur les déambulations des participants à travers la ville durant leurs moments de liberté.

Le logo ci-contre est une des deux illustrations de l’article.


Vous ne vous rappelez sans doute pas le temps qu’il faisait le vendredi 10 juillet 1942 ? Tous les Chefs d’Atelier du « 43 » savent bien et les journaux peuvent vous le confirmer, qu’un violent orage dévasta ce jour-là la région de Saint-Claude. Autant vous dire tout de suite que lesdits C.A. étaient à l’abri dans un train quelque part vers Oyonnax. Parmi les populations tremblant pour leurs maisons, ils gardaient tout de même bonne contenance, quoique se demandant bien dans combien de creux d’eau ils allaient camper. Tout autour, ce n’était que lacs et torrents limoneux.

Heureusement Saint-Claude n’est pas un pays plat et l’écoulement des eaux s’y fait rapidement. Cette hospitalière cité nous réservait une première bonne surprise. Pris en charge à la gare par M. Lugan et son fils et conduits par leurs soins au stade, nous pûmes planter nos tentes sur un sol presque sec...Tout le monde s’endormit vite et le chef Marrel fit en vain quelques observations contre un bavard intempestif : ce n’était que le C.A. Villefranche qui rêvait.

« Allez debout, faut que j’aille vous chercher, pas de gymnastique, y en manque, viens ficher les tentes en l’air ». C’est simplement le chef Chatel, l’homme le plus heureux de Saint-Claude à la vue de ce grand stade qui nous invite à en partager les joies avec lui. Pas pour longtemps (Dieu merci, dirent les « branquignolles »). Le jus, puisque prêt à l’heure, et le casse-croûte eurent beaucoup plus de succès. Puis ce furent les couleurs, car un mât se trouvait là à propos et le drapeau nous avait accompagné dans le sac (36 kilos, qu’on se le dise) du chef Chatel.

De là, départ pour le grand voyage de découverte à travers la ville, voyage qui dura trois jours et au cours duquel M. Lugan se montra un guide dévoué, éclairé et infatigable. Qu’il sache combien tous nous lui sommes reconnaissants d’avoir été notre Mentor.

Pauvres Saint-Claudiens, quel n’était pas leur émoi en voyant s’insinuer partout ces hordes en blouson de cuir qu’ils qualifiaient de compagnons, de scouts, de soldats et en qui les dégourdis, qui avaient fait leurs chantiers, reconnaissaient facilement des chauffeurs.

En dehors des visites officielles, chacun explorait selon ses goûts. C’est ainsi que dès le premier soir le C.A. Lasalle put indiquer l’emplacement et l’heure des séances de l’unique cinéma. L’assistant Poulet, personnellement, s’était fort intéressé à une exposition de travaux enfantins (on fait ce qu’on peut...). Le C.A. Gamelin avait repéré qu’un petit bateau en corne avait une voilure stupidement tendue et tout juste capable de le faire sombrer par calme plat. Les C.A. Villefranche et Vanbrugghe (la quille et la boule) rentrèrent de très mauvaise humeur. On comprit pourquoi à table : ils n’avaient pas mangé de l’après-midi. L’assistant Soupizet, presque plus heureux qu’eux, avait commandé et payé un gâteau, mais en trois jours de recherches il ne put retrouver la boulangerie. Quant au chef Decaux, si vous le rencontrez, félicitez-le d’avoir payé 50 francs une pipe de 800, ça vous mettra bien avec lui. Mais ne lui dites jamais que certains ont payé 5 francs la sœur de celle qu’il a achetée 130 francs, ça pourrait leur nuire. Plus sage, le chef Marrel a bien cru trouver sa vocation le jour où il présida une séance du Comité des Fêtes de Saint-Claude.

Que résulte-t-il de toutes ces explorations ? C’est ce que, seul, le chef Vellet, qui a reçu tous les rapports, pourrait vous dire, mais hélas il doit y en avoir de confidentiels.

Ce que nous savons tous, c’est l’agrément des instants passés dans cette bonne ville. Dans les wagons où nous avons dormi, chacun tirait des plans pour accompagner le détachement qui retournera peut-être à Saint-Claude en août.

[/C.A. VANBRUGGHE et CAMELIN /]


Article mis à jour le 15 octobre 2019