Le site de Madeleine et Pascal

En forme d’éditorial (2)

Le Téméraire, n° 41, 20 septembre 1943
6 octobre 2019, par Madeleine, Pascal

Le texte qui suit est le premier texte du numéro 41.

Bien que dépourvu de titre, il a clairement le statut d’un éditorial et fait suite à quelques lignes qui sont vraisemblablement tirées d’un discours officiel que l’éditorial commente.

Ce texte doit évidemment être replacé dans le contexte idéologique et politique de l’époque.


Le régime nouveau défendra, tout d’abord, l’unité nationale, c’est-à-dire l’étroite union de la Métropole et de la France d’outre-mer.
Il maintiendra les héritages de sa culture grecque et latine et leur rayonnement dans le monde.
Il remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale. Cette collaboration, la France est prête à la rechercher dans tous les domaines avec tous ses voisins.


Le véritable nationalisme, a dit le Maréchal, renonce à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale.

C’est faute d’avoir pratiqué ce véritable nationalisme que les états modernes sont arrivés au désastreux conflit actuel. Et si la lumière d’une sincère collaboration n’éclaire pas les négociations de paix et les tentatives de reconstruction qui suivront, la paix ne sera qu’une fausse paix, une guerre larvée comme celle que nous avons connue dans l’entre-deux guerres. Le véritable esprit de collaboration ne connaît pas d’exclusive. Par là même est reconnue l’insuffisance d’une simple politique d’équilibre. Sous une apparence d’honnêteté, cette conception implique en effet un vice foncier. Elle sous-entend que les relations internationales doivent être basées sur la force. Dès lors rien de plus instable que ces équilibres car chaque membre de l’un ou l’autre bloc cherche à le compromettre à son avantage : la guerre est l’état normal de l’humanité.

Ceux qui cachent une telle arrière-pensée derrière leurs déclarations pacifiques ne peuvent établir les assises d’une paix durable. Pour faire la paix, il faut croire à la paix, c’est-à-dire croire à la justice. Opus justitiae pax : le paix est le fruit de la justice. Telle est la devise qu’a choisie Pie XII, le pape actuel. Les nations se sont concentrées sur elles-mêmes. Soit explicitement au nom d’une mythologie fumeuse, soit implicitement sous l’influence corruptible des puissances d’argent ; elles ont posé en principe qu’elles n’avaient des devoirs qu’envers elles-mêmes, point envers leurs voisines et qu’elles n’avaient d’autre loi que leur intérêt, l’accroissement de leur puissance et de leur prestige. Elles ont perdu la notion vivante d’un Dieu maître du monde et Père de tous les hommes et se sont construit chacune un dieu national, complaisant à toutes leurs fantaisies.

À la fin de cette guerre, si l’on repart sur le même pied on court aux mêmes catastrophes.

Examinant, en 1939, les conditions d’une paix véritable, M. Maurice Blondel écrivait : « Rien ne sera fait et les complications s’accumuleront aussi longtemps que l’on n’entrera point dans la compréhension et l’application des vérités sans lesquelles notre civilisation ne serait pas née, ne garderait pas de sens et ne pourrait que sombrer dans un nouvel âge d’oppression, de ruine et de barbarie, en dépit ou plutôt en raison même des moyens accrus de puissance destructrice, des avidités multiples et des savantes excitations à la haine".

Ces vérités dont parle l’éminent philosophe sont précisément l’affirmation des devoirs de justice et de charité qui sont valables pour les états comme pour les individus. Elles ne condamnent pas la force, elles lui donnent une loi.
[/R. V./]


Article mis à jour le 15 octobre 2019