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Le 43 fête son premier anniversaire

Le Téméraire n° 19, 15 juin 1942
7 octobre 2019, par Madeleine, Pascal

On connaît par quelques promenades familiales auxquelles il nous fut donné de participer l’importance de la Ferme Guichard. On ne savait pas ce qui avait pu s’y passer.

Sous forme d’un dialogue alerte, voici le compte-rendu d’un séjour de quatre jours dont l’aboutissement est une fête qui se termine par la mise en place d’une stèle commémorative, un lever des couleurs et des serments patriotiques. L’engagement des participants transparaît dans ce texte émouvant.

La signature et le style, un peu pesant quand même, indiquent qu’il est peu probable que ce texte ait été écrit par Raymond Vanbrugghe. Il nous a cependant semblé intéressant de le faire apparaître ici en raison de l’importance d’un évènement auquel Raymond participa certainement.


« Alors, c’était bien cette fête ?
— Épatant, mon vieux ; on va te raconter ça. »

Un qui n’y était pas et un qui y était... Le premier, tout triste d’être resté (par ordre, naturellement), est avide de renseignements sur la Fête. Le Chef de Groupe leur avait dit que le Groupement 43 allait avoir un an, qu’il commençait à savoir marcher et parler haut et qu’il allait fêter son premier anniversaire. Et voilà que c’était arrivé.

Le 28 mai, les dix Groupes du Groupement ont gravi, suant, soufflant, chantant, la terrible côte de la Ferme Guichard et, dès le soir, un petit village berbère de trois cents tentes s’apprêtait à recevoir le soleil et la pluie d’un dos ferme.

« Bien logés, parés pour les grains, vous vous êtes mis à dormir.
— C’est ça ! Avec tout le travail que l’on avait à faire ! Pas question de repos pendant ces quatre jours ! Il y avait encore des tas de matériaux à monter à Planachat (le signal où devaient avoir lieu les manifestations), à 1 237 mètres d’altitude. Mais d’abord, il a fallu que les onze Groupes, très éloignés les uns des autres par leur implantation, se soudent pour que règne l’unité la plus complète. Eh bien, ce fut extraordinairement facile, grâce à l’esprit 43 !
Heureusement ! Car il a fallu drôlement serrer les dents ; toute la journée du 29 il est tombé des tonnes d’eaux à en faire pâlir les habitants de Jailloux. Quel poète assez aquatique dira jamais les délices de la tente sous la pluie ! À six, sous six toiles de tente, il faut subir, avec le sourire, le supplice de la goutte d’eau, car la fuite des gouttières est interdite.
On entend bien quelques vociférations pleines de murmures mais le moral ne suit pas le baromètre, au contraire : nous sommes les Jeunes du Groupement Sidi-Brahim, ne l’oublions pas.
— Tout ça, au fond, c’était une mise en train, une préparation immédiate à la Fête ?
— Mais oui, et prévue par le grand chef Predseil, maître des Cérémonies dont la première fut la montée à Planachat des pierres destinées à construire, le lendemain, la stèle commémorative. On a vu, samedi matin, une file de mille huit cents Jeunes monter au Signal, avec chacun une pierre sur le dos, symbole de l’union de tous pour la Reconstruction et manifestation initiale de cette Fête que notre Chef a voulu placer sous le double signe de la Joie et du Sacré.
— Quand donc avez-vous eu la veillée où paraît notre Louis XIV ?
— Samedi soir : un cadre magnifique, une très belle scène de verdure et un gentil petit vent du nord qui avait chassé les nuages : c’était déjà pas mal. Les Groupes avaient préparé, chacun dans « son particulier », les scènes qu’ils devaient produire. Le thème de la veillée : l’Équipe. Onze scènes, onze sortes d’équipes, depuis la Corporation jusqu’à l’équipe des différentes Frances en passant par l’équipe Louis XIV, le Groupe de combat, etc. Là encore, les Jeunes forment le symbole vivant de l’Union qui fait vaincre.
Dans la nuit qui tombe, des torches se sont allumées et, tous réunis autour du mât où montent les Couleurs, nous chantons à pleins gosiers : O Drapeau de notre Patrie, tu représentes tout pour nous... et tous nous le pensions. D’ailleurs, nous étions tellement recueillis qu’à la demande du chef Denis de garder le silence, on n’a pas entendu un mot ou un cri dans la longue colonne qui redescendait sur le camp.
— Vous aviez gagné l’épreuve du Silence.
— Restait à gagner, le lendemain, dimanche, l’épreuve de la Discipline.
31 mai : le grand jour est là dans un éblouissement de lumière. Très tôt, le Groupement tout entier s’est rassemblé en ligne de Groupes à Planachat. Le chef Denis, les chefs de La Simone et de La Bouchère sont à cheval. Le fanion du Groupement au centre avec sa garde. Je vous assure que ça avait de la gueule et c’est bien ce qu’ont dû penser les nombreuses autorités militaires, civiles et religieuses à leur arrivée sur la colline qui nous faisait face. Un Prêts ! retentissant accueille M. le Commissaire général adjoint Mourey, représentant le Général de La Porte du Theil, à qui le chef Denis présente le Groupement.

Le Commissaire Mourey se fait ensuite présenter chacun des onze Groupes. Chaque Chef de Groupe donne le nom et la devise de son unité, remet au Chef un parchemin qui la décrit et fait chanter à tous ses Jeunes le chant de son Groupe. Tous les parchemins réunis feront un Livre d’Or qui, remis au Général, lui apportera l’hommage du Groupement tout entier.

Comme nous sommes sous le signe du Sacré, après le Culte protestant, une messe est dite par M. l’Aumônier Chartier sur l’autel de pierre construit par les Jeunes du Groupe 8. Cette messe à la mémoire des chasseurs morts pour la France et le magnifique sermon de M. l’Aumônier de la Région Alpes-Jura sur la vitalité nous ont permis à tous, invités, Chefs et Jeunes, d’élever nos cœurs vers Dieu et de Lui demander la Force dont nous avons chaque jour un besoin plus pressant.
— Je suppose qu’en attendant les manifestations de l’après-midi, vous êtes allés prendre un repas à la manière Chantiers ?
— Justement, un brillant élève du Commissaire Laribe d’Arval, le chef Guidot, s’est dépensé sans compter ainsi que son équipe de cuisiniers pour nous offrir un déjeuner simple mais excellent et même savant. Il n’est pourtant pas facile de nourrir en même temps 2300 personnes.


— Mais, vous ne m’avez pas encore parlé de la Fanfare.
— C’est vrai, et pourtant elle ne s’est pas reposée souvent. Magnifique d’allure, elle s’est distinguée autant par ses capacités musicales que par sa tenue : c’est une vraie Fanfare Chasseur. Le chef Brachin nous a fait entendre, dimanche après-midi, des pas redoublés qui faisaient marcher sur place l’assistance entière.

Entendant des sonneries aussi entraînantes, le Groupe 10 a levé en beauté un mât de 22 mètres qu’il avait apporté de la forêt de Jailloux.

De leur côté, les gymnastes du Moniteur Gys ont exécuté des mouvements de culture physique, très imposants dans leur force calme et digne. Ils n’ont pas fait la grimace et pourtant l’herbe venait d’être arrosée copieusement (de même que l’assistance) par un très beau grain commandé exprès par le chef Predseil...

Le soleil est revenu à point pour le « Jeu du 43 ». Ce Jeu n’est pas seulement le fruit de l’imagination, mais surtout celui de l’expérience du chef Predseil. Il a pour base l’histoire du Groupement 43 et sa vie pendant un an. Il est fait pour nous qui l’exécutons, les Chefs et les Jeunes ; et c’est avec respect que, pierre à pierre, deux chaînes de Jeunes montent la stèle sur laquelle sera placée la pierre commémorant cet anniversaire. À la question posée par le récitant : Jeunes, que faites-vous sur le Chantier ?, deux mille voix répondent : Nous bâtissons la France et l’écho répète à l’infini la fière réponse.

C’est alors qu’a lieu la cérémonie qui laissera aux cœurs des Jeunes un très profond souvenir. Le chef Denis s’adresse d’abord aux Anciens - à ceux qui vont partir. Il leur passe des consignes rudes, qu’ils suivront parce qu’ils ont fait partie du Groupement Sidi-Brahim et parce qu’ils sont Français.

Le Chef leur demande ensuite de jurer, s’ils le veulent, fidélité au Pays, jusqu’à la mort s’il le faut ; et tous lèvent la main droite pour ce serment qui les donne à la France. Ces mêmes Anciens confient enfin le fanion de chaque groupe à leurs Cadets qui promettent de suivre la devise de leur groupe.

Avant de se séparer et pour terminer cette journée de recueillement et d’allégresse, les Couleurs montent au grand mât. Le pavillon tricolore se voit des deux Sous-Groupements, de quatre Départements et des trois Zones. C’est donc sur un symbole et d’amour de la France que se termine cette Fête inoubliable.

[/Un témoin participant/]


Article mis à jour le 18 octobre 2019